Ambiente Tecnica Società. Rivista digitale fondata da Giorgio Nebbia

Du nouveau sous le soleil

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Introduction

Les outils permettant d’exploiter le rayonnement solaire sont autant de jalons d’une histoire scientifique et technologique qui prend ses racines dans l’histoire des civilisations les plus anciennes.

Avant d’aborder les objets du patrimoine de l’énergie solaire, sujet principal de cette présentation, il semble important de définir les termes d’énergie solaire et d’énergies renouvelables. L’année 2015 a été proclamée « Année internationale de la lumière et des techniques utilisant la lumière » par l’Organisation internationale des Nations unies1. En considérant que la lumière est une source d’énergie, nous proposons de rassembler les énergies disponibles sur terre en deux grands ensembles:

1. Les énergies issues du rayonnement solaire direct ou indirect : celles qui sont à la surface de la terre et les mouvements de l’air et de l’eau ; ainsi que les phénomènes de photosynthèse qui sont à l’origine de la biomasse ;

2. Les énergies des « ténèbres », les énergies « souterraines » ou solaires non renouvelables, appelées aussi énergies fossiles, qui comprennent : le charbon, le pétrole, le gaz naturel, les combustibles nucléaires et la géothermie.

De plus, nous proposons de répartir l’usage de l’énergie du Soleil en deux grandes périodes- :

1. La période solaire primitive ou antique, qui s’étend jusqu’à il y a 200 ans, au cours de laquelle l’utilisation de l’énergie solaire s’est manifestée d’une manière essentiellement empirique ;

2. La période solaire moderne ou future, à peine commencée, basée sur les connaissances scientifiques engrangées au cours des 500 dernières années, en particulier sur la lumière et sa manipulation pour la production de vapeur et d’énergie électrique, symbole de la modernité. 

Figure 1 – À gauche, plaques de verre transparent utilisées par les Romains du 1er siècle pour en faire des fenêtres (Museo archeologico nazionale, Napoli). 
Figure 2 – À droite, reproduction du complexe archéologique de Barbegal où une série de moulins actionnés par la force hydraulique – dérivée de l’énergie solaire – aurait fonctionné au IVe s., Arles (France).

Les pages qui suivent ne s’intéressent qu’à un nombre limité de technologies solaires, celles qui ont été développées dans les 100 à 150 dernières années. Cette période marque le point de départ aux usages modernes de l’énergie solaire directe, diffuse, et indirecte pour la production d’énergie électrique.

Le contexte de révolution industrielle de la seconde moitié du XIXe siècle favorise la recherche d’équipements destinés à produire de l’énergie. En France, les expérimentations solaires d’Augustin Mouchot dans les années 1870, d’Abel Pifre dans les années 1880 ou du Padre Himalaya dans les années 1900, laissent entrevoir une volonté de l’utilisation moderne du rayonnement solaire. Les objets et écrits générés par ces expérimentations, dont certains sont notamment exposés au musée des Arts et métiers à Paris, ancrent l’énergie solaire dans l’histoire scientifique et font partie intégrante du patrimoine culturel français.

C’est sur cette assise scientifique et technique, que se sont appuyés plusieurs chercheurs du milieu du XXe siècle pour réhabiliter l’usage du rayonnement solaire dans la recherche, continuant ainsi l’histoire de l’exploitation de l’énergie solaire et bâtissant peu à peu une culture de ses usages.

Malgré les errements et les insuccès de cette voie énergétique dans la politique énergétique française au cours du second XXe siècle, de nombreux programmes d’exploitation du rayonnement solaire ont été entrepris et ont donné naissance à un patrimoine scientifique, technique et même industriel, qui a rarement été identifié et valorisé.

Toutefois, des initiatives existent, nous allons évoquer le cas de l’Italie puis de la France, qui entreprennent des programmes spécifiques de valorisation de ce nouveau patrimoine depuis deux à trois décennies.

***

L’histoire de l’énergie solaire en Italie : une grande leçon pour l’avenir

Par Cesare Silvi, fondateur du Gruppo per la storia dell’energia solare in Italia

Trad. Sophie Pehlivanian

Le GSES (Gruppo per la storia dell’energia solare2Groupe pour l’histoire de l’énergie solaire, www.gses.it.) est né en Italie à la fin des années 1990 pour redécouvrir, reconstruire et valoriser le patrimoine culturel italien lié à l’utilisation de l’énergie fournie par le rayonnement solaire.

L’idée d’intensifier l’étude de l’histoire de l’énergie solaire dans le monde et en Italie s’est présentée à l’occasion du cinquantenaire du premier Symposium solaire qui a eu lieu en Arizona en 1955, célébré en Floride (USA) en 2005 par l’International Solar Energy Society (ISES).

Les membres du GSES lancent alors un ambitieux « Programme italien sur l’histoire de l’énergie solaire 3GSES, « Programma sulla storia dell’energia solare rinnovabile in Italia », Comitato nazionale « La storia dell’energia solare », 2006/2010, Rome. », mené par un Comité National de l’Histoire de l’Énergie Solaire (CONASES) et structuré en trois axes principaux :

– Effectuer 100 manifestations dans 100 lieux différents dans toute l’Italie, sur le thème « L’énergie solaire du passé au futur – histoire, science et technologie », pendant deux ans (expositions, projections de films, rencontres, débats, conférences et recherches) ;

– Monter une exposition intitulée « Les villes solaires du passé au futur, découvertes scientifiques et développements technologiques » à Gênes (2006), Rome (2007) et dans d’autres villes d’Italie (2008) ;

– Rassembler et rendre accessibles des « Archives nationales sur l’histoire de l’énergie solaire », séparées en trois grands ensembles4C. Silvi, « Nasce a Brescia l’Archivio nazionale sulla storia dell’energia solare », Italie Energia, 2006. :

o Les machines et pionniers du solaire

o L’architecture et l’urbanisme solaire

o L’utilisation de l’énergie solaire en agriculture.

Le premier ensemble est conservé à Brescia auprès de la Fondation Luigi Micheletti et du Musée de l’Industrie et du travail de Brescia (MusIL)5www.musilbrescia.it..

Au départ, les membres du GSES se sont concentrés sur les archives. Ils sont parvenus à reconstruire et à documenter le travail de dizaines d’inventeurs, de physiciens, de chimistes, de mathématiciens, d’ingénieurs et d’architectes italiens, acteurs de l’énergie solaire au cours des deux cent dernières années.

C’est seulement dans un second temps que l’idée d’associer la partie archivistique à une composante muséale a germé. C’est ainsi qu’un projet d’Archives et Musée national sur l’histoire de l’énergie solaire en Italie, déployé sur tout le territoire national et connecté via Internet, est en cours d’élaboration. Les premiers éléments seront visibles au MusIL de Brescia 6http://www.musilbrescia.it/minisiti/energia-solare/default.asp (2015)..

Grâce au soutien économique du Ministero per i Beni e le attività culturali, le CONASES a entrepris, entre 2007 et 2012, le dépouillement de 160 000 brevets datés de 1855 à 1955, conservés à Rome 7Dans les bâtiments de l’Archivio Centrale dello Stato (ACS, les archives centrales italiennes).. Parmi ces brevets, environ 1000 étaient relatifs à l’utilisation de l’énergie solaire. Ces documents sont en cours de numérisation et d’intégration à une base de donnée qui en permettra la consultation à distance. Ajoutés à ces brevets, des recherches ont également été menées au Centre d’encouragement pour l’industrie de Naples8F. Balletta « La biblioteca e l’archivio dell’Istituto d’Incoraggiamento di Napoli », actes de la rencontre-débat « Storia dell’uso dell’energia solare in Italia », Archivio Centrale dello Stato, Roma, 8 juillet 2013..

Les archives de Giovanni Francia une mine d’or pour l’histoire solaire

Le fonds d’archives sur l’histoire du solaire italien conservé au MusIL de Brescia est celui qui est, pour le moment, le plus complet, Parmi ses récents ajouts, le fonds documentaire du Pr Giovanni Francia (1911-1980), cédé par ses héritiers en 2005, est l’un des plus importants.

Conférencier et professeur à l’université de Gênes entre 1955 et 1980, Giovanni Francia est à l’origine de 21 brevets enregistrés pour la plupart en Italie9Par exemple : G. Francia, Multiple Mirrored Apparatus Utilizing Solar Heat, brevet n°3 466 119, déposé en 1966 et enregistré en 1969 aux Etats-Unis. mais également à l’étranger, parmi lesquels plusieurs sont relatifs à l’énergie solaire. En 1961, il imagine des cellules anti-rayonnantes qui ont pour fonction de capturer la lumière et la chaleur du soleil10Giovanni FRANCIA , « Un nouveau collecteur de l’énergie rayonnante solaire », in Actes officiels de laconférence des nations unies sur les sources nouvelles d’énergie, Rome 21-31 août 1961, New York, Organisation des Nations Unies (ONU), 1964 , vol. IV, p. 554-571.. Il présente ces cellules à la conférence des Nations unies dont le thème est relatif aux sources nouvelles d’énergie. C’est à cette occasion que Giovanni Francia rencontre le Pr Marcel Perrot venu de l’université d’Alger, qui s’intéresse également au développement des technologies solaires. À la suite de cette rencontre, une collaboration étroite et une amitié durable s’installent entre ces deux chercheurs qui travaillent, par la suite, à la confection de deux prototypes de centrales solaires installés à Marseille pendant les années 1960.

C’est au cours de cette même décennie que Giovanni Francia fonde la station solaire de Sant Ilario de Nervi où il construit, en 1965, une toute première centrale solaire à tour, dont le principe est de superposer des tâches solaires sur une chaudière située en haut d’une tour, réfléchies à l’aide d’un champ de miroirs. 

Fig.3 – Illustration présentant le champ de miroirs d’une centrale solaire conçue par Giovanni Francia, issue du brevet Multiple Mirrored Apparatus Utilizing Solar Heat, brevet n°3 466 119, déposé en 1966 et enregistré en 1969 aux Etats Unis.

Au cours des années 1970, Giovanni Francia est l’un des consultants de la société industrielle italienne Ansaldo, pour la réalisation de la centrale solaire à tour Eurélios, projet commun avec d’autres pays d’Europe dont la France. Cette centrale, implantée à proximité d’Adrano en Sicile, est mise en fonction au printemps 1981, soit deux années avant la centrale française Thémis, sa puissance est de 1 MW. 

Fig. 5 – À gauche, le premier prototype de centrale solaire à tour expérimenté par Giovanni Francia à la station solaire de Sant’Ilario (près de Gênes) en 1965. 
Fig. 6 – À droite, l’implantation solaire à tour, avec champ d’héliostats, la plus grande du monde. Inaugurée par la Bright Source Energy dans le désert de Mojave (Californie) en février 2013.

Connu au niveau mondial comme étant le père des centrales électriques héliothermodynamiques, Francia a été très rapidement oublié après sa mort survenue soudainement en 1980. Par chance, les plus de vingt années d’activité menées par Giovanni Francia pour le développement des technologies solaires sont bien documentées au sein de ses archives personnelles. Actuellement, l’idée du GSES est de donner une certaine visibilité aux travaux des grands scientifiques italiens de l’énergie solaire dont les recherches ont franchi les frontières. Cet objectif permettra de stimuler la valorisation d’expériences souvent modestes mais capables d’entretenir l’intérêt des pouvoirs publics et des particuliers envers le secteur solaire.

La récolte et l’inventaire d’archives se poursuivent, notamment au sujet de l’architecte et urbaniste solaire Gaetano Vinaccia (1889-1971) ou de Giacomo Ciamician (1857-1922) qui est considéré comme le père de la photochimie moderne, dont les recherches ont inspiré les travaux actuels sur la photosynthèse artificielle.

D’autre part, des machines, dispositifs et autres pièces solaires, dont la valeur scientifique est indéniable, sont en train d’être rassemblés à Brescia. Parmi les objets récoltés, on trouve notamment des pièces techniques de grande envergure, comme la chaudière solaire issue d’Eurélios dont l’ENEL a fait don au MusIL de Brescia à la suite de la décision du démantèlement de la centrale solaire en 2012, après 25 années d’abandon 11

C.Silvi “Eurelios fu un abbaglio?”, Sapere, p. 36-45, Giugno 2011.

 

Fig. 7 – La chaudière solaire d’Eurelios en 1980, au moment de son arrivée sur son site d’implantation, à Adrano. Les pièces de cette chaudière sont conservées au Musil de Brescia, en attendant leur prise en charge par une structure muséale.

Le retour du soleil à Sant Ilario

Depuis 2006, le GSES a lancé un programme de réinvestissement de la ferme Costigliolo, à Sant Ilario de Nervi, pour la création d’un « Archivio e museo per l’energia solare di Sant’Ilario »12A. Comenale, G. Alloisio, « Il Podere Costigliolo di S. Ilario (Genova) e l’energia solare », ibid.. Cet espace serait dédié à deux pionniers de la recherche solaire de ces 150 dernières années : Bernardo Marsano (1811-1893) qui a contribué à l’usage de la source solaire en agriculture, et Giovanni Francia.

La création d’un centre d’histoire solaire à cet emplacement serait non seulement un hommage au génie de ces deux pionniers, mais également une reconnaissance du potentiel économique et social que représentent les ressources naturelles, et la source solaire en particulier dont l’Italie est dotée en abondance.

***

La France et l’énergie solaire : valorisation dispersée pour recherches dispersées

Par Sophie Pehlivanian, Chercheure associée au laboratoire LLSETI

de l’université de Savoie-Mont Blanc

L’énergie solaire, la difficile identification d’un nouveau patrimoine

Au début des années 1940, les potentielles utilisations de la ressource solaire pour les besoins de l’homme moderne semblent totalement oubliées, alors que la fin du XIXe siècle, période de recherches de solutions énergétiques, avait servi de cadre à de nombreuses expériences dont l’écho avait dépassé le cercle scientifique pour toucher le grand public 13Les travaux d’Augustin Mouchot, décrits dans son ouvrage, La chaleur solaire et ses applications industrielles, (Paris, Gauthier-Villars, 1869), permettent la construction d’un grand four solaire, primé à l’exposition universelle de Paris, en 1878.. Les romans d’anticipation de la fin du XIXe siècle emploient parfois de façon audacieuse l’imaginaire relatif à l’exploitation du rayonnement solaire 14Le roman le plus représentatif est celui de Marcel-Jacques-Saint-Ange MALLAT DE BASSILAN, Le Roman d’un rayon de soleil, Paris, Frinzine Klein et Cie éditeurs, 2e éd. en 1885. qui représente une énergie du progrès pour ce qu’elle a de propre, de silencieux et d’universel par rapport au charbon, combustible principal de la révolution industrielle du XIXesiècle. Avec l’avènement de la littérature de science fiction dès les années 1930, l’énergie solaire acquiert une place sans concession parmi les solutions énergétiques du futur.

Les années 1940 marquent le début d’une recherche officielle sur l’exploitation de l’énergie solaire sur le sol français. De nouveaux horizons se dessinent alors au CNRS par l’introduction d’outils permettant de produire de hautes températures à l’aide de la concentration solaire, accompagnés rapidement de diverses expériences utiles à l’habitat et aux usages quotidiens.

De ce point de départ restreint à la recherche scientifique, l’énergie solaire dépasse peu à peu le cadre des laboratoires pour s’étendre au milieu industriel et aux usages domestiques, en faisant un objet d’analyse intéressant dans l’histoire de la période contemporaine.

Le patrimoine de l’énergie solaire en France se rapporte à des domaines variés : de la littérature aux écrits scientifiques, des outils aux simples témoignages. Le patrimoine de l’énergie solaire désigne, de façon étendue, l’ensemble des initiatives qui découlent de l’exploitation du rayonnement solaire.

Après avoir identifié un certain nombre de ses manifestations, nous avons pu constater au cours d’un recensement des diverses facettes du patrimoine de l’énergie solaire, que les méthodes de valorisation des objets qui caractérisent ce nouveau type de patrimoine technique sont à son image : hétéroclites et dispersées.

Le patrimoine du solaire français, initiatives dispersées pour énergie diffuse

Il n’existe, en France, aucune structure similaire à celle du Gruppo per la storia dell’energia solare.

Les premières initiatives de défrichage d’un patrimoine de l’énergie solaire dans son ensemble ont été effectuées dans le cadre universitaire15Deux thèses ont été soutenues, la première tournée vers une analyse des politiques liées à l’architecture solaire : Marion CHAUVIN-MICHEL, Marion CHAUVIN-MICHEL, « Architectures solaires et politiques énergétiques en France de 1973 a` 1985 », thèse d’histoire de l’art, université de Paris I, sous la dir. de Claude MASSU, 2012 ; la deuxième ayant pour objectif de proposer un panorama complet des enjeux liés à l’histoire de l’énergie solaire : Sophie PEHLIVANIAN, « Histoire de l’énergie solaire en France. Science, technologies et patrimoine d’une filière d’avenir », thèse d’histoire, université Savoie-Mont Blanc / université de Grenoble, sous la dir. de Denis Varaschin, 2014.. Toutefois, dans les Pyrénées Orientales, l’industrie touristique a su tirer partie de la présence d’édifices solaires en proposant des lieux destinés à accueillir des vacanciers et des scolaires, qui offrent un discours ludique sur l’usage de l’énergie du soleil 16Pour plus d’informations sur ces projets, consulter : Sophie PEHLIVANIAN, Sophie PEHLIVANIAN, « Les Pyrénées et l’énergie solaire, paysage et tourisme d’un patrimoine scientifique », in Christophe BOUNEAU, Denis VARASCHIN, et al., Les Paysages de l’électricité, Bruxelles, Peter Lang, 2012, p. 77-93..

La première structure de ce type qui a vu le jour est rattachée au grand four solaire d’Odeillo. Il s’agit d’un centre d’interprétation, mis en place par certains des ingénieurs du four au cours des années 1980, à cause de la demande pressante du public de venir visiter le four, visite impossible compte tenu de la nature de ce laboratoire du CNRS. Ce centre d’interprétation, qui avait alors été préparé par des chercheurs travaillant dans les différents laboratoires du grand four, s’est peu à peu étoffé et professionnalisé.

L’intérêt de ce centre d’interprétation est très vite évident puisqu’il attire environ 80 000 visiteurs au cours de sa première année de fonctionnement17Entretien avec Claude Royère, Odeillo, juillet 2010.. Cette structure touristique officialise son existence en 1990 par la création d’une association – entre le CNRS et la mairie de Font-Romeu-Odeillo-Via – qui s’appelle « Plus fort que 10 000 soleils » et qui emploie quelques médiateurs pour effectuer visites guidées et démonstrations. Aujourd’hui, cette association est remplacée par une petite entreprise qui fonctionne ainsi de façon autonome.

Pour cette structure, c’est donc le CNRS qui a largement contribué à valoriser son travail de recherche dans un but de vulgarisation scientifique, mais également afin de répondre à une demande émanant du grand public qui était de rendre accessible à tous le jalon paysager important que constitue le grand four solaire d’Odeillo. 

Figure 8 – Le four solaire d’Odeillo, en contrebas de la ville de Font-Romeu-Odeillo-Via, véritable jalon paysager dans un environnement rural. Photographie : Sophie Pehlivanian, juillet 2010.

La deuxième initiative touristique autour du patrimoine solaire est celle mise en place par l’entreprise four solaire développement dont l’objet principal est l’exploitation du four solaire de Mont-Louis, ancien outil du CNRS. Ce programme de réhabilitation du four inutilisé peu de temps après la mise en fonction du four d’Odeillo au début des années 1970, a été mis en œuvre à partir du milieu des années 1990 par Denis Eudeline, un fervent défenseur des technologies solaires. Son idée est d’expérimenter tout type d’utilisation de la concentration solaire dans des travaux artisanaux tels que la fabrication de céramique, la cuisson de pain ou la fonte de métaux, tout en effectuant des démonstrations à l’aide de petits outils solaires, dans un but pédagogique 18Entretien avec Denis Eudeline, Mont-Louis, juillet 2010.

Figure 9 – Vue du four depuis les remparts de la ville de Mont-Louis. Photographie : Sophie Pehlivanian, juillet 2011.

Sa structure touristique se situe dans la ville de Mont-Louis, à une dizaine de kilomètres d’Odeillo, elle fonctionne de façon totalement indépendante de celle du centre d’interprétation du grand four. Son personnel est employé pour effectuer les visites guidées d’une exposition mise en place par le conseil général des Pyrénées Orientales à l’emplacement de l’ancienne centrale Thémis, dans la ville de Targasonne (à moins de 5 km d’Odeillo). L’ancienne centrale Thémis sert de cadre à deux expositions estivales, destinées à la population touristique de passage, entièrement consacrées au soleil et à l’énergie. 

Figure 10 – Photographie de la centrale Thémis en cours d’exploitation, 1983-1986.

Ces trois programmes de valorisation touristique, orchestrés autour de trois édifices bâtis par le CNRS entre les années 1940 et les années 1980, sont les témoignages importants d’une nécessité de rappeler l’histoire de l’exploitation de l’énergie solaire. À ces quelques exemples, s’ajoute l’initiative récente de l’Association des amis du Padre Himalaya, située à Sorède (Pyrénées Orientales), de reconstruire, à l’identique, le four solaire conçu par Manuel Antoniò Gomes (1868-1933) – dit Padre Himalaya – en 1902, dans les hauteurs de leur village. Cette initiative est née de l’intérêt grandissant des villageois pour l’histoire de ce savant, remise au jour par Jacinto Rodriges, professeur d’architecture à l’université de Porto 19Jacinto RODRIGES, A Conspiração solar do Padre Himalaya  Esboço biográfico dum português pioneiro daEcologia, Porto (Portugal), éd. Àrvore, Cooperativa de Actividades Artisticas, 1999.. En 2003, plusieurs des habitants de Sorède décident de fonder une Association des Amis du Padre Himalaya20Entretien avec Antoine Sanchez, fondateur et président de l’Association des Amis du Padre Himalaya, Sorède, juillet 2011.. Leur but est d’explorer l’histoire et d’organiser de nombreux débats, conférences, rencontres, etc.

Un programme de reconstruction du four solaire du Padre Himalaya, à l’identique, est finalement imaginé dès l’année 2006, et mis en œuvre en 2015 grâce à une souscription publique et au soutien financier et politique de plusieurs institutions locales. Le projet attenant à cette reconstruction, qui est aujourd’hui en cours d’achèvement, est celui d’un site touristique et pédagogique, dont le point central est le four solaire, fonctionnel, destiné à accueillir notamment des publics scolaires et universitaires, et constitue un nouveau point remarquable régional lié au patrimoine de l’énergie solaire. 

Figure 11 – Photographie des travaux en cours pur la reconstruction du four du Padre Himalaya, à Sorède. blog des Amis du padre Himalaya, himalaya.vefblog.net.

Conclusion

Les diverses structures valorisant les outils solaires sur le territoire français sont issues d’initiatives ponctuelles, avant tout liées aux objets, en tant que jalons historiques, paysagers ou culturels d’un territoire local. Le manque de valorisation globale d’un patrimoine de l’énergie solaire envisagé comme un ensemble cohérent, a engendré une volonté d’initier un inventaire exhaustif 21Travail initié au sein de la thèse : Sophie PEHLIVANIAN, « Histoire de l’énergie solaire en France… », op. cit. des divers éléments qui constitueraient une nouvelle catégorie au sein du patrimoine de l’énergie.

La mise en regard des pratiques françaises et italiennes en termes de prise en compte d’une histoire de l’énergie solaire et de la valorisation de ses traces patrimoniales est intéressante par les nombreux points de divergence des deux pratiques les plus importants. Si l’Italie possède une structure qui coordonne des recherches et des initiatives de valorisations dispersées, la France dispose de plusieurs structures autonomes. La thèse de Sophie Pehlivanian a eu pour ambition de récolter d’une façon large et systématique les divers types de manifestations de l’exploitation du rayonnement solaire à l’échelle nationale afin de constituer une base à des recherches futures, préoccupations déjà en pratique au GSES italien depuis une quinzaine d’années.

Les projets locaux de valorisation touristique et pédagogique de l’énergie solaire en France sont, quant à eux, de véritables particularités nationales qui permettent sans doute de toucher un public plus large et étoffé que celui du monde universitaire et scientifique.

Ainsi, ces deux approches, complémentaires, méritent d’être poursuivies, sans doute que la force associative est une solution solide et appropriée, mais elle ne peut aboutir à la concrétisation de programmes de grande ampleur sans l’appui financier des pouvoirs publics ou de grandes structures privées. 

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